Frédéric Fouchard

Frédéric Fouchard : itinéraire d’un plombier gâté

De la plomberie familiale de Coutances, en Normandie, à la constitution d’une PME toujours restée indépendante, de génie climatique, finalement vendue en 2019 au groupe Fayat, le chemin est long. Une trajectoire où les sphères intime et professionnelle s’entrecroisent. Frédéric Fouchard, artisan de ce succès et fils du fondateur, raconte sa vie d’entrepreneur.

« La maison était située sur la cour de l’entreprise, qui était mon terrain de jeu. Plus tard, c’est dans les véhicules de l’entreprise, les 4L Fouchard que j’ai fait mes premières sorties du samedi soir. Je ne me suis jamais posé la question de ce que j’allais faire plus tard, car c’était évident », se rappelle Frédéric Fouchard, aujourd’hui passionné de trail, de vélo et créateur d’assemblages-sculptures, œuvres originales qu’il expose volontiers dans sa belle maison lors de journées portes-ouvertes.

Mais avant, avant la vente de son entreprise au groupe Fayat, il a eu une toute autre vie : 40 ans au service d’une Pme devenue grande, au rayonnement national, bien que fortement ancrée dans sa région normande, via six agences (Coutances, le berceau historique, Avranches, Cherbourg, Saint-Lô, Caen et Rouen).

En 1980, le jeune homme a terminé son service militaire. Sa formation, aussi, en vue d’intégrer l’entreprise, un BTS de chauffage et climatisation, le seul existant à l’époque, suivi d’une année de spécialisation dans le froid industriel.  L’entreprise paternelle a déjà grandi, employant 150 personnes dans la Manche. « C’était l’essor du logement collectif dans les années 70. Avant, Fouchard faisait uniquement du service au particulier, plomberie et chauffage. Et puis nous nous sommes mis à équiper les HLM, nous avons livré des centaines de logements entre 70 et 80. Nous avons collé au marché », se souvient Frédéric Fouchard.

Le futur dirigeant de la deuxième génération rentre dans l’entreprise pendant cet âge d’or, il a 23 ans et débute comme chargé d’affaires. Il apprend sur le terrain. Et devient vite directeur technique, poursuivant sa formation « maison », l’œil sur l’ensemble des chantiers. « Pendant 10 ans, j’ai appris mon métier, avant de prendre les rênes en 1990 ». Il insuffle son propre souffle à la « boîte ». Développant essentiellement deux axes, les métiers plus techniques de la ventilation et de la climatisation, tout en informatisant l’entreprise. Il investit aussi dans la formation interne, et le recrutement, pour des profils et des compétences adaptées au développement de l’entreprise. Et doublera les effectifs, transformant ainsi l’organisation.

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C’est dans cette perspective, dans une phase où l’entreprise se développait fortement et allait continuer à croître que l’entrepreneur fera appel à un cabinet de recrutement et de conseil spécialisé dans le bâtiment.

Être « fils du patron » ne lui a jamais posé de gros problèmes, ni causé beaucoup d’états d’âmes. Il concède quand – même, pudiquement : « cela a été à la fois très compliqué et très facile ». Compliqué, comme pour tout « héritier » d’une boîte à très faible turn-over, où les remarques (« ça a bien changé par rapport à l’époque de votre père, ça ne se serait pas passé comme ça »…), fusaient parfois. Simple, finalement, parce qu’il avait été biberonné à l’entreprise dès son plus jeune âge, parce que sa formation, papier et terrain l’avait rendu légitime. « Je travaillais déjà avant mes études sur le terrain avec les ouvriers pendant l’été, je n’ai pas eu de soucis d’intégration ».

Et puis, même devenu DG en 1990, Frédéric Fouchard ne s’est jamais départi de son habitude de siffler en déambulant sur les chantiers. « J’aime bien siffler, et puis, je sais comment cela se passe depuis toujours sur un site. Donc, quand je suis devenu le patron, avant d’arriver je m’annonçais en sifflant. Comme ça, je ne prenais pas par surprise le gars que j’allais voir en train de boire une bière entre deux tâches. C’était mieux pour lui et pour moi », s’amuse-t-il.

Au-delà du management, son cœur de métier, ses premières amours restent la technique. Fouchard reste un plombier – artisan dans l’âme, et c’est toujours aujourd’hui, ce qui fait la force de l’entreprise. « Nous avions une compétence assez unique dans la région en génie climatique, tout en étant une boîte indépendante. Chose rare à l’heure où les mouvements de concentration ont contracté le paysage français dans le secteur. C’est cette compétence, que Fayat nous a rachetée », explique-t-il.

« La partie mise au point, dépannage, remontage des installations qui ne marchent pas, c’est cela qui m’intéressait le plus. Régler les problèmes. Nous avons réalisé nombres d’installations de climatisation complexes, pour des blocs opératoires par exemple, sans parler des sites industriels. La ventilation, le traitement de l’air est la spécialité la plus complexe de notre filière, la filtration, le contrôle de la pression, etc, à fortiori en milieu hospitalier, et nous avons équipé beaucoup de CHU en Normandie. Chez Fouchard, nous ne nous contentions pas d’installer. Nous faisions la mise en route, on s’assurait que cela fonctionnait on prenait le temps qu’il fallait. Nous accordions beaucoup d’importance à la mise au point et pour ce faire avons élaboré une série de tests. C’est cette attention portée au client, cette qualité de service qui a aussi fait notre réputation ».

Une véritable culture d’entreprise dont les salariés sont fiers, comme de leurs équipements. « Je ne suis pas passionné par le management, je recrutais et jetais mes salariés dans le bain. Cela fonctionne, ou pas. En revanche, je défendais toujours mes salariés dans le cas de pression, de désaccord, d’arbitrage avec les autres parties prenantes et j’accordais une grande attention aux outils, aux équipements, aux EPI. Je voulais qu’ils soient fiers de travailler chez nous, qu’ils soient les meilleurs ambassadeurs de la boîte. J’aime beaucoup cette phrase de Saint-Exupéry, qui dit « Aimez ceux que vous commandez, mais sans leur dire ». A tous les niveaux, de l’apprenti au cadre, le respect, la fierté sont  primordiaux. La fierté du travail, de la société, de l’image qu’elle renvoie. Les gens aimaient leur boîte et moi j’étais fier d’eux », déclare encore l’ancien dirigeant.

L’indépendance reste sa signature : « Je préférais être une entreprise agile, indépendante, qui ait un patron concret à qui parler plutôt que d’être un pion dans un grand groupe.

Rester en première ligne, en tant qu’entrepreneur.