Parmi les quelques 155 entreprises à mission sur le territoire, une dizaine évolue dans la construction. Elles font figure de pionnières car ce statut, né de la loi PACTE de mai 2019, est encore peu connu. L’un des ses objectifs majeurs est de « repenser la place de l’entreprise dans la société ». Le nouveau statut permet aux sociétés de se fixer officiellement des objectifs sociétaux et environnementaux en plus de leurs objectifs économiques, et de les intégrer dans leurs stratégies. En bref, d’allier responsabilité et mission sociale.
La menuiserie – vitrerie Janus, spécialisée dans l’entretien et la rénovation du patrimoine bâti, a pris le virage. Depuis mars 2020, son dirigeant, Michel Meunier, a choisi d’intégrer ce statut juridique, qui « l’oblige » mais donne une dimension d’acteur social supplémentaire à son entreprise. La société basée à Rieux, a franchi un pas que très peu encore d’entrepreneurs de la construction ont franchi. Le dirigeant explique : « Nous ne sommes seulement entre cinq et dix dans la construction à avoir choisi ce statut. Le secteur est morcelé, éparpillé en des milliers d’artisans, pour qui la conduite du changement pose des questions de transparence… Il y a une difficulté pour le bâtiment d’appréhender ces sujets. Nous devons intégrer des enjeux RSE dans nos résultats. C’est important dans nos métiers, car nous sommes au bout de la chaîne de production, de construction. Dans un secteur comme le BTP, qui est axé sur l’économie linéaire, nous poussons l’économie circulaire le plus loin possible avec la recherche du degré de réparabilité ».
Les motivations de Janus
L’entreprise de 13 personnes (dont neuf Compagnons) est engagée depuis de longues années. Elle mesure notamment ses impacts auprès de ses parties prenantes avec un outil, l’indicateur BIOM, qui permet de matérialiser la performance économique de l’organisation contribuant au développement durable de son territoire. Révélant ainsi la valeur ajoutée sociétale de l’entreprise.
Un ancrage RSE fort, donc, que Janus a décidé de pérenniser au cœur de ses statuts.
L’entreprise a articlé ses engagements en trois volets. L’axe environnemental vise à réduire les émissions de CO2 pour atteindre à terme la neutralité carbone. Il s’agit aussi d’augmenter le référencement et l’utilisation de matériaux écoresponsables.
Trois marqueurs prioritaires mènent les promesses sociales, le second volet : l’inclusion, la féminisation du personnel et l’ascenseur social. L’axe gouvernance quant à lui consiste à intégrer des indicateurs de suivi RSE dans le pilotage global, afin de favoriser l’entrepreneuriat et de mettre l’économie au service du bien commun.
Des engagements en ligne avec l’activité de Janus, la préservation du patrimoine foncier, associant bien-être dans son logement et intégrant les enjeux environnementaux.
Les avantages et les contraintes du statut
« Aucun avantage concret sourit Michel Meunier. Aucune aide, aucune contrepartie, pas de réductions fiscales. En revanche, les contraintes sont nombreuses. Il faut notamment mettre en place un Comité de Mission, sorte de comité d’entreprise bis chargé de vérifier que la société remplit bien ses engagements avec les parties prenantes. Lors du rapport annuel, il faut aussi faire appel à un organisme tiers, donc indépendant, composé d’experts, de clients, de fournisseurs… C’est un changement complet de modèle de gouvernance ».
En revanche, auréolé d’une dimension éthique, le statut d’entreprise à mission rejaillit positivement sur l’entreprise, accroit son attractivité. « Intégrer dans ses statuts un objet social avec une raison d’être à impact positif donne une vraie responsabilité à l’entreprise. Très loin du « greenwashing ». Elle devient en quelque sorte un « influenceur », donne l’exemple, incite par la pédagogie et l’expériences ses clients à opter à leur tour pour des solutions plus responsables. C’est un cercle vertueux, cela donne une dimension supplémentaire à Janus, c’est structurant et c’est très gratifiant », souligne le chef d’entreprise.
De plus, ce « label » créé un sentiment d’appartenance à une communauté d’entreprises et de dirigeants tournés vers l’avenir. Et aussi d’attire des candidats en quête de sens et de recherche d’entreprises engagées.
Pour autant, décrocher le statut ne va pas de soi. La procédure se fait par étape. Il faut d’abord lister ses engagements, les détailler et inscrire leur raison d’être dans ses statuts avant de demander sa reconnaissance en tant qu’entreprise à mission. « C’est un exercice salutaire, explique encore Michel Meunier, car cela oblige à définir ses objectifs prioritaires, à avoir une conscience très claire de ce qu’on peut réaliser, ou pas. Et donc cela permet de progresser ».
Le statut, encore balbutiant, est appelé à prendre de l’ampleur. Un peu plus d’un an après son apparition, une centaine d’entreprises (La Camif, Danone La Maif, Aigle pour citer les plus connues) ont été séduites par cette option, selon l’Observatoire des sociétés à mission. Preuve qu’elle répond à une attente, un besoin. Les aspirations sociales, le caractère crucial des certains enjeux, à commencer par le climat devrait pousser une part significative des entreprises à se convertir. « C’est l’avenir, souligne Michel Meunier. Nous avons pris les devants ».