Navettes de lin
Lin : l’isolant vert feel good
Le lin n’a pas besoin de redorer son blason. Alors que les enjeux écologiques sont au premier rang des préoccupations des industriels, la fibre bénéfice d’une aura porteuse. Cultivée sans irrigation, sans OGM et sans déchet. Et proposant une isolation thermique naturelle en plus d’une légèreté et d’une résistance très performante. Une « spécialité » européenne qui plus est, dont la production mondiale émane à 80 % de la France, des Pays-Bas et de la Belgique.
En France, la renaissance de cette filière concerne d’abord l’amont, soit les agriculteurs. Puis, les producteurs de fibres, dans l’industrie du textile. Le retour annoncé du gros opérateur français Safilin, 15 ans après son départ, va peser dans le débat. Le filateur qui a annoncé tout récemment la création d’une filature de lin dans les Hauts de France espère gagner le pari de cette expansion, qui en se positionnant face à l’hégémonie de la production de fil de lin asiatique, joue le circuit court. Et permet au passage de trouver des savoir-faire quasi disparus.
Outre le projet conséquent de Safilin, le groupe textile alsacien Velcorex tente lui aussi de reconstruire une chaîne d’approvisionnements de produits de lin totalement made in France sous la houlette de son dirigeant Pierre Schmitt. L’entrepreneur constitue depuis une dizaine année un groupe intégré en Alsace autour de sa première entreprise, Philéa, spécialisée dans le tissage.
Son groupe se compose ainsi de quatre spécialités complémentaires pour des tissus, tissés comme techniques et non tissés, exclusivement fabriqués en France et en Alsace. Son dernier projet en date se positionne sur les matériaux bio-composites (via le lin et le chanvre), des matières techniques résistantes et très légères, destinées aux marchés techniques du bâtiment. Et de surcroît plus respectueuses de l’environnement que les fibres de verre et de carbone couramment employées pour ce type de supports. Pour l’industriel, là réside le plus grand potentiel de marché de la fibre de lin. Son groupe a aujourd’hui dépassé l’étape de la faisabilité industrielle et dispose d’une capacité de production de 150 tonnes par an. « Nous produisons en France 150 000 tonnes de lin par an. Si demain, on valorise une petite partie de cette production, il y a de quoi remonter une dizaine de filatures », veut-il espérer.
Pierre Schmitt s’appuie sur le réseau de la coopérative Terre de Lin, regroupant 600 agriculteurs entre la Seine Maritime et l’Eure, le grand bassin du lin Français. Il peut aussi compter sur un partenariat renforcé avec Schlumberger, qui remet des machines à filer en production après des décennies d’oubli. « Nous avons réhabilité une filière de transformation de proximité, dans un rayon de 30 kilomètres. Y compris dans le lin et le chanvre, y compris pour un usage technique, dont les débouchés sont importants. Nous offrons la traçabilité de toute la chaîne de production. Nous essayons de réaliser un véritable écosystème permettant de retrouver une filière se préparant aux matières et matériaux de demain, nécessitant de l’innovation, de la valeur ajoutée. Je suis persuadé que l’on ne peut pas innover hors sol, loin des usines et que le textile bio sourcé peut-être le moteur de la révolution écologique », souligne Pierre Schmitt.