Dans un arrêt du 16 mars 2021, la Cour de cassation a précisé les contours de la responsabilité pénale du maître d’ouvrage en cas d’accident sur un chantier du chef de blessure-homicide involontaire.
Pour tout chantier où sont appelées à intervenir plusieurs entreprises, le maître d’ouvrage doit désigner un coordonnateur en charge de la sécurité et de la protection de la santé, dit coordonnateur SPS, devant prévenir les risques liés à la coactivité des intervenants sur le chantier et veiller au respect des principes généraux de prévention, précise Philippe Rossignol, avocat à la cour auprès du cabinet Dartevelle & Dubest Associés.
À cette fin, il a notamment la charge d’établir le plan général de coordination (PGC) en matière de sécurité et de protection de la santé, qu’il transmet aux entreprises intervenantes lesquelles réalisent ensuite, sur cette base, leur propre plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS). L’article R.4532-11 du Code du travail dispose que le coordonnateur SPS exerce cette mission « sous la responsabilité du maître d’ouvrage ».
Pour autant, le maître d’ouvrage engage-t-il sa responsabilité pénale, en cas d’accident, lorsqu’il s’avère que le coordonnateur SPS n’a pas correctement exécuté sa mission ? Non, répond la Cour de cassation.
Le cas
Dans cette affaire, le salarié d’un sous-traitant intervenant sur un chantier de démolition a été victime d’un accident dû à l’effondrement d’un mur.
L’enquête a fait ressortir que d’une part, ni l’entrepreneur principal ni les sous-traitants en charge de la démolition n’avaient reçu communication du PGC par le coordonnateur SPS et, d’autre part, que ces entreprises n’avaient pas rédigé de plan particulier de sécurité et de prévention, ce qui aurait permis d’éviter l’accident.
Le maître d’ouvrage a été poursuivi et condamné du chef de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, pour ne pas avoir vérifié que les entreprises présentes sur le chantier avaient effectivement reçu le PGC.
La décision de la Cour de Cassation
La chambre criminelle casse cette condamnation en jugeant que si le Code du travail prévoit que le coordonnateur SPS exerce sa mission « sous la responsabilité du maître d’ouvrage », cette disposition très générale n’impose pas à ce dernier une obligation particulière de sécurité ou de prudence dont la violation pourrait seule caractériser le délit de blessure involontaire.
En pratique le maître d’ouvrage devra rester vigilant sa responsabilité pénale pouvant être engagée, y compris en l’absence d’accident : non pas du fait d’une mauvaise exécution de ses missions par le coordonnateur SPS, mais du fait d’un manquement à ses propres obligations. Par exemple pour ne pas avoir désigné de coordonnateur SPS, pour ne pas avoir fait établir le PGC .